Le grand méchant Loup c'est moi.

Des lambeaux de métal tombent au sol. Gisant là. Masse confuse. Amas d'acier. Juste au dessus, la bête immense hurle, non pas à la mort mais à la renaissance. Les quelques mois d'enfermement et de musellement n'ont pas réussi à lui retiré ses forces. Au contraire. Elle s'est aisément défaite de sa muselière de métal. Elle se libère. Se grandit. Se déploie. Elle domine de toute sa taille le monde qui l'entoure. Ses babines retroussées, elle laisse apparaître une rangée de dents monstrueuses entre lesquelles se trouvent encore des morceaux de chair. Elles sont gigantesques et acérées. Son pelage terne et sombre et maculé de sang séché et de boue. Sa gueule avide salive à ma vue. Son corps se met en mouvement faisant saillir ses muscles puissants. Je me mets à courir. Essoufflée, je n'en peux plus. Je trébuche et tombe. L'immense ombre de la bête m'enveloppe. Elle approche de moi. Ses dents reluisent dans l'obscurité. La bête s'arrête à quelque pas de moi. Elle hurle son triomphe et d'un bond, fond sur moi. Elle m'attrape à la poitrine qu'elle ouvre d'un simple coup de crocs. J'entends le son sinistre de mes os qui cèdent sous sa mâchoire. Une lueur moqueuse anime sa pupille quand son regard croise le mien. Plus aucune sensation ne me parvient de mon corps. Je n'ai pas mal. Tout ce que je sens, tout ce que je sais, c'est que la fin est proche. Une dernière fois, je la vois. Mes viscères pendent de sa gueule ensanglantée. Je reste stoïque. Elle m'a eu. Je n'ai pas pris garde. Je n'ai même pas lutté. Ç'eut été peine perdue. Je me laisse aller. Happée par le vide. Je ne serai bientôt plus. La bête me jette à Terre. Mes yeux sont encore grands ouverts. Ils ne se ferment pas et ne se couvrent pas de ce linceul blanc qui gagne le regard vide des cadavres. Je vois encore tout. Mon cerveau ne s'arrête pas lui non plus. Je perçois et comprends ce qu'il se passe. Mon corps ne répond plus. Je suis condamnée à rester là, regardant mon supplice dans les yeux. Sans même pouvoir mourir. Pas un instant de répit.



Les souvenirs sont la gangrène de l'esprit. Ils grandissent, grossissent et enflent jusqu'à prendre toute la place.

Dimanche 28 février 2010 à 12:28

Commentaires et bêtises

écrire quelque chose

Par alesia le Dimanche 28 février 2010 à 14:25
le dernier paragraphe, si vrai !
Par Gil le Jeudi 4 mars 2010 à 20:02
Cyrielle.
Tu écris si bien!
J'ai lu le texte à 3 centimètre de l'écran, je voulais savoir la suite et puis tout ça paraît tellement "saisissable, vrai"!
L'image est très intéressante mais douloureuse.
Là, j'ai vraiment eu l'impression d'avoir lu une page d'un très bon livre, un truc qui a capté mon attention.
Par Un-sourire-suffit le Jeudi 4 mars 2010 à 23:16
Ah oui, les souvenirs.. C'est mauvais parce que c'est doux un moment et puis.. Ca change.
La bete m'attire. Elle doit etre belle même si mauvaise.. J'adore ta description.
 

écrire quelque chose









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://diabolo-grenadine.cowblog.fr/trackback/2971609

 

<< Vers aujourd'hui... | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | ...Vers hier. >>

Créer un podcast